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En Charente, les alcools Vivant se cultivent dans les champs

On ne cultive pas la terre : c’est le système racinaire des plantes qui s’en charge.

En pleines terres cognaçaises, une joyeuse bande réunie par une éthique commune a mis en place une filière agricole bio pour faire pousser des spiritueux exigeants. Des gins, whiskies, rhums et cognacs embouteillés au naturel sous l’oriflamme des alcools Vivant. Allons voir de plus près.

C’est une histoire de mots compliqués qui révèlent une urgence. « Comment vous écrivez typhlodromes ? » Campé sur son arpent de vignes, Jean-François Decroix épelle patiemment, sourire amusé en coin. « Et mycorhizes ? » Rebelote.

« Dites donc, il va falloir que je simplifie, que j’emploie des termes plus abordables pour que les lecteurs comprennent bien », osé-je, penchée sur mon carnet de notes.

Et la réponse fuse : « Non, maintenant on va arrêter de simplifier. Il faut entrer dans le dur et appeler un chat un chat. Les mots ont un sens. Quand j’explique les typhlodromes à mon petit-fils de 7 ans, il comprend. Tes lecteurs ne sont pas plus bêtes. » Boum !

Sacré gaillard, le Jean-François. Qui en 1977, la trentaine venue, quitte la région parisienne pour se réfugier vers Saint-Laurent-des-Combes, dans un coin de Charente à 40 minutes de route au sud d’Angoulême. Avec le vague projet d’élever des moutons. Mais dans la vie, le plus court chemin d’un point à un autre n’est jamais la ligne droite. Le jour où le troupeau doit être livré, il annule la commande et opte pour la viticulture sur une poignée d’hectares achetés une bouchée de pain dans les Bons Bois. Le cognac, à l’époque, s’enfonçait dans la crise. Alors tant qu’à faire, dans les années 1990, Decroix passe ses terres en bio, un pionnier dans le Cognaçais.

C’est une histoire de transmission et de rencontres, de celles qui révèlent des chemins insoupçonnés. 3 années d’affilée, David Mimoun embauche comme ouvrier agricole à la ferme de Jean-François Decroix et se frotte à la terre, aux vendanges, aux vignes, au pressoir, aux cuves. Au chai, où roupillent des fûts de cognac bio exempts d’additifs. David pousse son aîné à sortir ses gnôles de l’ombre et, topons là, les 2 hommes s’associent pour créer les cognacs Decroix. Ils sont bientôt rejoints par Patrick Pech et Stéphane Traumat. Un même langage, une même volonté unissent la bande désireuse de développer une filière d’agriculture biologique en imaginant des spiritueux respectueux de la nature, de valeurs humaines et des consommateurs. La société Vivant voit le jour en 2018. Et depuis, tout le monde rame – mais dans le même sens, ce qui est toujours bon signe.

La terre, un organisme vivant

Les fondateurs rassemblent autour d’eux des petits agriculteurs qui carburent sur la même longueur d’onde, travaillant en polyculture et en bio et nouent des liens avec des distilleries des environs – Merlet, Bercloux, la Distillerie du Golfe… Tout faire pour raccourcir les circuits d’approvisionnement. Et quand ce n’est pas possible ?

« On s’interroge. Par exemple, le sucre bio non raffiné qu’on fait venir d’Amérique du Sud, je n’ai pas la certitude absolue que les personnes ayant travaillé pour le faire ont été correctement traitées et payées, reconnaît David Mimoun. Du coup, si on ne trouve pas un approvisionnement parfaitement transparent, on va peut-être arrêter le rhum. »

C’est une histoire de rapprochement entre le végétal et l’humain. Il n’y a pas de d’agriculture sans la main de l’homme, ne nous leurrons pas. Mais loin de former un simple support, la terre est un organisme vivant, doté d’un microbiote qui la maintient en bonne santé pourvu qu’on veille aux équilibres. Dans les vignes des cognacs Decroix, les interrangs, livrés au fouillis végétal, ne sont jamais laissés nus : les légumineuses (qui fixent l’azote durablement), les orchidées sauvages, les radis chinois bataillent avec les herbes, la cameline, le trèfle… Le sol se nourrit continûment, sans apports d’engrais brutaux. Quand la végétation chatouille les genoux, elle n’est pas fauchée mais roulée : il convient de protéger la surface du rayonnement solaire, de garder l’humidité et d’abriter la biodiversité.

À propos des typhlodromes…

« On ne cultive pas la terre : c’est le système racinaire des plantes qui s’en charge, révèle Jean-François Decroix. On cherche à multiplier la vie organique, les cycles du vivant pour alimenter le végétal et stimuler ses défenses. Les propriétés allopathiques des plantes vont favoriser d’autres plantes, ou au contraire les empêcher de pousser. »

Au-delà du végétal, champignons, insectes et bestioles diverses sont invités à prospérer, pourvu que l’entente reste cordiale. Ainsi des fameux typhlodromes (nous y voilà), prédateurs de certains acariens qui ravagent la vigne : Jean-François partait autrefois les traquer à la loupe, pour ramasser les feuilles où ils s’agglutinent avant de les redistribuer près des arbustes autour des vignes : « Ils se plaisent dans les lilas, les noisetiers ou les pruniers », explique-t-il goguenard.

C’est une histoire de gnôles parce que sinon, vous pensez bien que vous ne seriez pas en train de vous user les yeux sur ce papier. De whiskies bio, d’eaux-de-vie de malt bio, de gins bio, de rhums bio, de cognac… Oui, oui, bio, tout bio. Des spiritueux nature qui ne la ramènent pas, à l’image de leurs créateurs.

« J’aime les choses légères et fraîches, je ne cherche pas la complexité, avoue David Mimoun. J’aime quand on a envie d’y revenir, et pas d’en parler toute la nuit ! »

Les flacons sérigraphiés de trognes immédiatement identifiables creusent un sillon à part chez les cavistes : Silène, Ange, Gino, Lola. À côté, la gamme Bestiaire se dévoile dans le réseau Biocoop et les cavistes éthiques : Goupil (le gin), Loriot (le cognac), Triton (le rhum) et Machaon (le gin). Et puis, bien sûr, les cognacs et le fabuleux gin griffés Decroix. Des gnôles qui goûtent la matière première. Des gnôles profondément vivantes.

Gamme Bestiaire bio (70 cl, 40%). De 42 à 70 €.
Autodistribution : contact@alcools-vivant.com

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