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BenRiach et la tourbe, une vieille histoire d’amour

Qui a donné naissance au nouveau « Smoke Season »

On/off, on/off, un jour oui, un jour non, je t’aime moi non plus : entre la tourbe et BenRiach, la partie de cache-cache dure depuis des décennies, et en réalité depuis plus d’un siècle.

En 1995, la distillerie cesse définitivement de produire des single malts tourbés. Mais dans le whisky, « définitivement » ne dure, comme chacun sait, qu’un temps et en 2005, sous l’impulsion de Billy Walker, BenRiach est la première dans le Speyside à réintroduire la tourbe « heavy » dans sa production.

L’orge est alors maltée à 35 ppm (parties par million de phénols), les composés responsables des arômes tourbés, qui se dégagent lors du séchage de la céréale dans la fumée des briques de tourbe, soit le niveau de Lagavulin, Caol Ila ou encore Rozelieures Tourbé Collection. Mais les phénols monteront petit à petit, pour atteindre aujourd’hui 45 ppm, parfois un peu plus – à titre de comparaison, Port Charlotte ou Ardbeg utilisent une orge à 50 ppm.

Benriach-Rachel Barrie - Caveman.city

En rachetant BenRiach en même temps que Glendronach et Glenglassaugh il y a cinq ans, le groupe américain Brown-Forman, maison mère de Jack Daniel’s, a deux traits de génie : recruter la talentueuse maître assembleuse Rachel Barrie qui, au fil des ans peaufina son art chez Ardbeg, Glenmorangie, Laphroaig ou Bowmore ; et remettre de l’ordre dans une gamme pour le moins dispersée en y déclinant plus régulièrement la tourbe.

Alors qu’en début d’année les alambics crachaient du distillat phénolique, la « saison de la fumée » se dédouble, et rebelote en juin.

C’est à cette période de production que le nouveau Smoke Season vient rendre hommage.

Benriach-SMOKE SEASON - Caveman.city

Présenté en février, il accoste au fur et à mesure sur les divers marchés – en ce moment la France, en septembre les États-Unis. Et se présente comme le single malt le plus tourbé de BenRiach – au fait, sous l’ère Brown-Forman, le nom de la distillerie s’écrit de nouveau en un seul mot et tout en lettres minuscules. Vieilli sous chêne vierge américain toasté et brûlé en anciens fûts de bourbon, ce small batch évoque les brochettes de fruit fumées au barbecue dans une forêt de pins : pommes à la cannelle rôties et zestes d’orange caramélisés s’enveloppent dans une tourbe intense mais douce.

Environ 20 à 25% du whisky produit à BenRiach est aujourd’hui tourbé. Surprise générale en septembre dernier, quand la distillerie dévoile sa gamme : les nouveaux 10 ans et 12 ans se déclinent désormais en 2 versions, l’une non tourbée et l’autre smoky.

Ah oui, on écrit BenRiach en un seul mot et on dit « smoky » plutôt que « tourbé », pour rester dans le champ sémantique : tourbé, les Américains ne comprennent pas, et à vrai dire ils ne sont pas les seuls. Alors que smoky (« fumé », en good french) se révèle plus évocateur et se décline sur toutes les nuances, de la fumée légère au nuage de cendre. « Mais BenRiach utilise une tourbe locale des Highlands et non pas des îles, souligne Rachel Barrie. C’est une tourbe forestière, sweet, presque légèrement vanillée, avec des notes de bruyère et de pin pleines de fraîcheur. » Autrement dit, pas une enclume de suie dans un hôpital qui prend feu, comme on en rencontre parfois sur l’île d’Islay.

Benriach Distillerie - Caveman.city

La distillerie rappelle en outre que si l’on associe rarement les whiskies du Speyside aux arômes très fumés, l’histoire a gardé la trace d’une époque où, au XIXe, on tourbait le malt dans cette région. De fait, jusqu’à l’arrivée du charbon affrété sur les trains, la tourbe restait le combustible le plus commun à travers les Highlands. Elle disparut peu à peu des kilns à mesure que le chemin de fer progressait vers le nord, pour subsister dans les îles. « Mais dans les années 1960, BenRiach produisait encore un single malt très tourbé utilisé dans les blends de Seagram, le propriétaire de l’époque, se souvient Norman Green, ancien brasseur de la distillerie. Quand on a pioché dans les chais il y a quelques années, on ne pouvait pas y croire tellement c’était bon ! »

Pour autant, l’identité de BenRiach ne se fond pas dans la tourbe. « Ce qui définit ce whisky, c’est l’équilibre entre le fruit, le malt et le chêne, rappelle Rachel Barrie. Aucun ne doit dominer les autres. » Et dans ses versions smoky, la tourbe ne doit pas rompre cet équilibre. La distillerie produit l’un des moûts les plus clairs d’Écosse pour aller attraper les notes douces, et un brassin légèrement acide, tirant sur la pomme verte et l’amande. Ensuite, la distillation dans des alambics pot stills tout simples en forme de poires, assez larges, se charge de concentrer le fruit, avant que le choix de la futaille ne le sculpte.

Le nouveau 10 ans, construit sur une ossature de fûts de bourbon, chêne vierge américain et barriques de xérès, exalte les fruits du verger (pommes, poires, nectarines) mûrs alors que le « Smoky Ten » (qui remplace le Curiositas), en substituant aux tonneaux d’oloroso des fûts de rhum jamaïcain, y ajoute des fruits exotiques emballés dans la fumée, le bacon rissolé et la fraîcheur du pin.

Benriach Warehouse Featured Image - Caveman.city

Quant au 12 ans, reposé en fûts de Pedro Ximénez, bourbon et porto, il s’enrichit de fruits opulents, cerises marasquins en tête, trempés dans le cacao épicé, mais le « Smoky Twelve », vieilli en tonneaux de bourbon, xérès et marsala, s’évade sur les fruits sirupeux, l’orange confite, le chocolat caressés d’une tourbe plus discrète qui monte à mesure de la dégustation. Un voyage aromatique sans bouger de son fauteuil.

BenRiach Smoke Season Double Cask Matured (70 cl, 52,8%). Prix : 85 €. Distribution : Brown-Forman

Article issu de la rubrique “LES VOYAGES DE Christine Lambert” du magazine CAVEMAN N°1

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