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Highland Park, le single malt à l’âme viking

Tout au nord de l’Écosse, par-delà les vagues, l’archipel des îles Orcades a donné naissance à un whisky qui ne ressemble à aucun autre. Le découvrir offre un voyage à couper le souffle.

Les vagues ont pris d’assaut la falaise, furies butant obstinément sur la muraille de granite, tandis que le vent du large disperse embruns et crachin dans un même souffle. Au-delà des Highlands, au-delà de la mer, l’archipel des Orcades résiste aux éléments, terres de pâtures, de landes et de tourbières dispersés au septentrion de l’Écosse. Quelque 70 îles, dont 21 habitées – « 20 quand Mrs Traill-Thomson part en vacances », plaisante un local soucieux de précision. Population : 20 000, pour 7 fois plus de moutons, et pas un arbre à l’horizon.

Mais les alignements et les cercles de pierres levées de Stenness, Maeshowe ou Brodgar rappellent qu’au Néolithique les Orcades formaient un important centre cérémoniel. Loin de l’Écosse gaélique, nous sommes ici en territoires pictes, passés sous domination viking du VIIIe au XVe siècles. Un joug qui a marqué d’une profonde empreinte l’histoire et la culture de la région, jusqu’au coeur de sa plus ancienne distillerie.

Highland Park dresse ses murs de pierre noire au coeur de la capitale de l’archipel, Kirkwall. Magnus Eunson l’érige en 1798 sur les lieux mêmes où il s’affairait depuis longtemps déjà à la distillation illicite avec des alambics de contrebande. Et si, depuis ces terres reculées près du Cercle arctique, son single malt a essaimé partout à travers le monde en traversant les siècles, s’imposant parmi les plus recherchés des amateurs comme des collectionneurs, ce n’est pas un hasard. Au fond, si peu de choses ont changé…

LA TOURBE, LE COEUR DE HIGHLAND PARK

Highland Park a le parfum et le goût du feu de tourbe, sa chaleur aussi. Une tourbe douce, aux notes de bruyère et de miel, dépourvue de sphaigne et d’éléments boisés, qui s’est formée au-dessus du niveau de la mer. On la coupe au printemps, sur deux épaisseurs : le fog, en surface, riche en fines racines ; et le yarfie, prélevé un peu plus en profondeur, plus humide. Et on la laisse sécher à l’air libre, briquettes montées en pyramides qui « croûtent » au vent. Car oui, le malt tourbé est travaillé sur place, Highland Park fait partie de ces rarissimes distilleries de scotch à avoir préservé cette tradition et conservé ses vastes aires de maltage. 2 kilns, ces fours coiffés de toits en pagodes, enfument l’orge pendant 12 heures sur feu de tourbe pour la charger en phénols (les molécules) responsables des arômes tourbés, puis chauffent 12 à 15 heures supplémentaires au charbon.

Dans la salle de brassage, impossible de poser un pied devant l’autre : la cuve d’empâtage et les 12 fermenteurs en bois s’emboîtent tel un jeu de Tetris. D’avril à fin octobre, la distillerie fermera ses portes pour les échanger place pour place contre d’autres en inox.

« Je comprends le romantisme du bois, soupire le master blender Gordon Motion, mais l’acier est plus facile à nettoyer et n’offre pas de prise aux bactéries : cela va nous permettre d’augmenter légèrement la production, sans agrandir pour autant. » En attendant, histoire d’anticiper les mois de fermeture, Highland Park tourne à plein régime et les 2 paires d’alambics en forme de poire n’ont plus le temps de refroidir pour cracher le distillat et remplir les chais.


MATURATION EN PRÉCIEUX FÛTS DE XÉRÈS

C’est dans les chais, précisément, que l’ADN de Highland Park achève de se forger. La distillerie de Kirkwall appartient au groupe Edrington, au même titre que Macallan, et profite donc des approvisionnements groupés en fûts.

« L’industrie du scotch, avant la covid, claquait 70 millions de livres par an en barriques et Edrington en prend la moitié, révèle Gordon Motion. Il s’agit à 90% de fûts de xérès, qu’on utilise au maximum deux fois. Mais à vrai dire, on n’achète pas des fûts : on achète des arbres. »

Les merrains, en provenance des États- Unis (chêne blanc américain) et du nord de l’Espagne (chêne pédonculé) sont ensuite expédiés et transformés à Jerez, puis remplis de xérès oloroso pendant 18 à 24 mois. Une fois vidés, ces précieux « sherry casks » dont le whisky raffole accueilleront les single malts. Au terme de la maturation, ils sont assemblés, réduits par ajout d’eau et remis en fûts très fatigués – à ce stade, on ne veut surtout pas que le chêne « marque » davantage le liquide – ou en cuves, le temps de laisser les arômes se fondre.

« Toute la gamme passe par ces multiples étapes, sans jamais prendre de raccourcis », insiste Martin Markvardsen, l’ambassadeur international de la marque. Depuis le 10 ans, appelé à se raréfier, le 12 ans aux notes de fruits cuits épicés à peine fumées, le 15 ans Viking Heart intense et concentré dans sa bouteille en céramique blanche (alerte collector : elle est en train de disparaître !), aux arômes d’agrumes et de raisins sur tourbe fine, le 18 ans chocolaté, miellé et asticoté de zestes, jusqu’au 21 ans au profil exotique, ananas, crème brûlée vanillée dansant sur une volute. Impossible de ne pas remarquer les bouteilles, plates et embossées de motifs scandinaves : comme le whisky qu’elles contiennent, elles affirment avec puissance leur identité viking.

Highland Park 15 ans Viking Heart
70 cl, 44%. Prix : 95 €
Distribution : Campari France

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