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Miclo : sous les fruits, le whisky

Elle est réputée pour sa framboise sauvage… La petite distillerie alsacienne fait partie de ces maisons qui ont opéré une diversification très réussie dans le whisky, sans pour autant effacer leur héritage : celui des eaux-de-vie de fruits. Venez, allons de ce pas humer les bonnes odeurs de malt qui se mêlent à la poire, à la mirabelle, aux prunes, ou encore aux baies des bois.

Le vignoble cède peu à peu la place aux terres agricoles sous la lumière douce de la fin d’été, les maisons à colombages s’effacent, les fermes prennent le relais, la route grimpe gentiment. Nous sommes au coeur du pays welche (le w se prononce comme un v : « velche »), pas dans l’Alsace de carte postale et c’est à Lapoutroie, un village de haute vallée à l’écart de Colmar, que se niche la distillerie Miclo.

La maison fondée en 1962 par Gilbert Miclo a entrepris en 2011 une diversification réussie dans le whisky, à l’instar de nombre de ses voisines – Lehmann, Meyer, Hepp, Nusbaumer… Mais les alambics Holstein qui répandent un parfum de tarte aux mirabelles extirpée du four semblent prévenir que cette distillerie-là ne s’est pas totalement soumise aux forces du malt.

COEUR DE FRAMBOISE

« Nous restons très associés aux eaux-de-vie de fruit, convient Bertrand Lutt, 3e génération de Miclo. Cela reste notre coeur de métier, le bébé de de la famille. » Et accessoirement, 80% des ventes et 50% du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Bertrand Lutt

Après la mirabelle, il sera temps de passer à la framboise sauvage qui a fait la renommée de la maison, et qui pour l’heure macère dans les cuves. Plus herbacée, plus élégante, plus longue en bouche que la framboise de culture, cette petite baie qui se récolte en lisière de bois et en forêt dans les pays de l’Est donne des eaux-de-vie d’une exquise finesse.

« Pourtant, beaucoup de nos confrères ont arrêté de la fabriquer en raison de son coût élevé, reprend le petit-fils de Gilbert Miclo. Mais c’est notre péché mignon, médaillée d’or 3 années de suite au Concours général agricole… et classée hors concours depuis, pour laisser la lumière aux autres. ».

Ce petit bijou, comme toute la gamme Coeur de chauffe que se disputent les grandes tables, s’offrira une nouvelle image en fin d’année, avec une bouteille créée sur un moule propriétaire. Dans l’espoir de conquérir les jeunes générations.

Car si les Français ont boudé depuis les années 1980 les gnôles tombées de l’arbre, la chute semble enrayée, les trentenaires se piquant désormais de ces eaux-de-vie qui cochent toutes les cases de l’époque : « nature », simples, authentiques, artisanales, disponibles en circuits courts, et au plus proche de la matière première.

Alors de début juillet à fin septembre, priorité aux fruits, qui se succèdent en séquences dans les cuves et les alambics : cerises, poires, quetsches, coings, prunes ou autres mirabelles – dans le désordre. Puis le whisky reprend ses droits dans les 4 alambics Holstein.

Ici, point de moulin, pas d’empâtage, nulle salle de brassage. Le projet, un temps envisagé, a été abandonné : « On va rester sur ce qu’on sait faire, chacun son métier, plaide Bertrand Lutt. Et puis on manque un peu de place. »

Dans la grande tradition du whisky d’Alsace, né dans le berceau de la brasserie française, Miclo achète son brassin tout préparé. Auprès de Meteor, le plus ancien site brassicole du pays, maison indépendante fondée en 1640 qui fournit nombre de petites distilleries de whisky en France.

Cette bière est avalée par 4 alambics hybrides au cuivre patiné par les chauffes – 1 200 et 1 500 l. Une paire équipée de petites colonnes dont on débraye les plateaux pour fonctionner en double passe, et l’autre coiffée de chapiteaux en cloche.

LES WHISKIES SE FONT UN NOM

Sur la dernière distillation, celle sur laquelle s’effectuent les coupes pour prélever le coeur, les têtes sont écartées définitivement mais les queues (la dernière fraction à s’écouler) sont redistillées ultérieurement.

Le distillat, gras, céréalier en diable, mâtiné de fruits, est ensuite logé en grande majorité dans d’anciens fûts de vin, dans la cave sous la distillerie, puis confié aux bons soins du maître de chai canadien Daniel Hanser.

Du moins pour l’essentiel. Car une petite partie du liquide est envoyée dans le Gers, où Michel Miclo, 2e génération, a relancé la marque d’armagnac Veuve Goudoulin et élève (sous le même nom) des whiskies alsaciens en fûts de chêne gascon. Mais ne nous égarons pas.

Quand les premiers singles malts sortent sous la marque Welche’s, on est en 2016 et seule la mention des fûts de vieillissement permet de les distinguer. Jusqu’à ce que l’an passé, une nouvelle identité de marque fort bienvenue décide de faciliter la tâche aux amateurs.

La gamme se décline désormais en 4 whiskies identifiés par des noms de lieux évocateurs de la région, tous en maturation intégrale, environ 5 ans d’âge : Kaloui (mûri en ex-fûts de bourgogne blanc, avec un peu de rouge), Vorvone (sauternes), Faudey (un fumé, élevé en barriques de bourgogne blanc), et Naur Ma (le tourbé, fûts de sauternes également).

Auxquels s’ajoutent des éditions limitées annuelles telle la Cuvée des grands palais, un single cask sélectionné par un jury de professionnels – la 9e cuvée est attendue en octobre. Ou le toujours très convoité Cherry Cask Finish (Cherry avec un c, comme cerise), affiné en tonneaux ayant contenu des macérations de cerises à l’eau-de-vie.

Alerte scoop : le nouveau batch, disponible avant les fêtes, sera tourbé. Vivement Noël !

Miclo #9 Cuvée des grands palais (70 cl, 49,4%).
Prix : 103€. Distribution : Free Spirits.

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