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Dans l’armagnac entre le Gers et les Landes

Depuis quelques années, on peut lire que son heure est arrivée, que le spiritueux du Sud- Ouest est sur le point de prendre la place qu’il mérite chez les consommateurs. Mais l’armagnac, qui le connaît vraiment ? Entre AOC, volumes minuscules et multitude de producteurs, faisons un point. 

L’armagnac ? C’est le fruit d’un mélange de savoirs apportés par les invasions en Gascogne : vignes romaines, alambic arabe, fûts celtes. Quant à son nom, et à l’instar du calvados et du cognac, il le doit à la zone géographique dans laquelle on le produit. 

Initialement employé pour ses vertus thérapeutiques, il fera l’objet d’un développement commercial au XVIIe siècle. Cent ans plus tard, la guerre d’indépendance des États-Unis favorise le développement de cette eau-de-vie et le Gers devient même le premier département viticole français. La crise du phylloxéra réduira de trois quarts les surfaces cultivées, et la région organise la production avec la délimitation de la zone en 1909 et l’AOC en 1936. 

L’Appellation d’origine contrôlée encadre les conditions d’élaboration de l’armagnac, à commencer par ses zones de production. Le Bas-Armagnac, avec ses sols sablonneux, représente les deux tiers des surfaces identifiées tandis que l’Armagnac-Ténarèze, aux sols argilo-calcaires, en occupe presque un tiers. Vous l’aurez compris : cela ne laisse pas grand-chose pour le Haut-Armagnac et sa terre calcaire. 

«Bas-Armagnac, Armagnac-Ténarèze et Haut-Armagnac se partagent 5 300 hectares de vignes expressément destinées à l’armagnac» 

C’est en fonction de ces terroirs que les cépages seront plus ou moins représentés dans chaque région. Bien que l’AOC en autorise 10, seuls 4 sont majoritairement plantés : l’Ugni blanc, le Baco, le Colombard, et la Folle Blanche. Les vins qui en sont issus (entre 7,5 et 12%) doivent être obtenus sans aucun ajout et être distillés au plus tard le 31 mars de l’année suivant la récolte. La distillation se fait traditionnellement, et dans la quasi-totalité des cas, sur un alambic armagnacais, à feu direct, alimenté au gaz ou au bois. 

La Blanche Armagnac (sans « d’ ») est non vieillie mais doit passer 3 mois en contenant inerte. La majorité de la production vieillit en fût et ne peut être appelée armagnac qu’après un an au contact du chêne. 

Voilà, vous savez tout… mais vous ne savez pas grand-chose. 

LE PAYSAGE ARMAGNACAIS AUJOURD’HUI 

Non, je ne parle pas de ces beaux points de vue vallonnés et ponctués de forêts mais bien de la situation actuelle de l’armagnac. Il existe environ 600 producteurs, qui vont du plus petit, ne produisant qu’un fût par an, à de grandes coopératives remplissant des centaines de barriques. Attention toutefois : même la plus importante de ces distilleries ne saurait rivaliser en taille avec le plus petit des producteurs de whisky écossais. Une différence d’échelle qui explique que la production de ce spiritueux reste artisanale, même chez les plus gros indépendants que sont Tariquet, Laubade et Delord. Environ 55% de l’armagnac est exporté (contre 95% pour le cognac) avec comme principaux marchés les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, et la Russie . 

Depuis quelques années, l’armagnac perd son image vieillotte, bien que ce phénomène concerne surtout un public de connaisseurs. Les amateurs de spiritueux se tournent de plus en plus vers ces jus aux comptes d’âge impressionnants, embouteillés bruts de fût et single cask. Des embouteilleurs comme Swell de Spirits, Zero Nine Spirits, Domaine Ricci ou Poh! Spirits, sans omettre des acteurs étrangers tels Wu Dram Clan et Grape of the Art, contribuent à mettre l’armagnac où il le mérite sur la carte des spiritueux d’exception. 

« Le pourcentage alcoolique de coulage doit être compris entre 52 et 72% et se situera la plupart du temps autour des 55%» 

Cependant, nul besoin de lorgner du côté des embouteilleurs indépendants pour mettre la main sur des mises de vieux millésimes sans réduction. Chez Jean Bon comme chez beaucoup d’autres, vous pourrez venir au domaine y faire remplir vos bouteilles à même le fût. On trouve aussi des trésors chez Jouatmaou, sous la maison de Nelly Lacave ou au Domaine de Charron, qui propose des armagnacs 100% Baco au boisé intense et aux arômes gourmands. Poutëou nous invite – entre autres – à explorer des millésimes rares en Folle Blanche, et pourquoi ne pas dîner au pied de l’alambic fumant ? Qui a dit « trou gascon » au distillat fraîchement sorti de colonne ? 

Fondé en 2011 à Vic-Fezensac par des amis d’enfance, l’Encantada s’est fait connaître par sa présence sur les salons et les réseaux sociaux. C’est au travers de leur sélection de fûts qu’ils comptent dévoiler le savoir-faire unique de l’armagnac. Ces négociants-éleveurs disposent dans leur chai d’une très grande palette de jus aux profils, âges, provenances et terroirs variés. 

En revanche, ces armagnacs partagent certains traits : mise en bouteille brut de fût, pas de filtration, aucun ajout… Bref, chaque fût retranscrit fidèlement l’identité du spiritueux, sans altération. Un tuyau ? Leur Lous Pibous 2005 est une pure merveille. 

Il y a 2 ans, l’Encantada a sauté le pas : ils ont mis la main sur un alambic d’occasion (il était même en pièces détachées lors de son acquisition) et ont commencé à couler leur propre distillat. Voilà un nouveau chapitre qui s’écrit pour la petite entreprise gersoise. 

Je ne saurais trop vous encourager à visiter cette belle région, à y rencontrer les artisans passionnés qui font l’armagnac, à vous perdre sur les petites routes de campagne, à y déguster les spiritueux à même les fûts, et à profiter sans relâche de la gastronomie locale. 

Poutëou Folle Blanche 2004 brut de fût – Sélection Fest’ Armagnac (70 cl, 47,3%) 

Prix : 76 € – Distribution : Fest’ Armagnac 

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