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Balvenie, l’ode à la tradition écossaise

À Dufftown dans le Speyside, la cadette de Glenfiddich produit un single malt valeur refuge des amateurs. Qui ne déçoit jamais.
Un « whisky à l’ancienne », dans le meilleur sens du terme. Et ce tour de force s’explique en visitant la distillerie. Alors prêt pour le voyage ? 

La toiture s’est envolée avec la mémoire des siècles, une partie des murailles s’est effondrée, les fenêtres et les vitres scellées au plomb ont disparu. Mais sa solide carcasse, vigie médiévale trouant le ciel bas, refuse de rendre les armes. Campé sur sa colline, offert aux vents et aux tapis de bruyère, le château de Balvenie, dont le roi d’Écosse Robert the Bruce était un habitué, a perdu bien des pierres mais pas sa superbe. Et ce même si le pragmatisme des hommes a fait davantage que les guerres des Highlands pour décharner de la sorte la forteresse du XIIIe siècle : les pierres qui lui furent arrachées servirent par la suite à ériger la grande bâtisse en contrebas dans la vallée brumeuse, berceau de la future distillerie Balvenie. Rome s’est fondée sur 7 collines ; Dufftown va se construire sur 7 distilleries(*). Ce petit village du Moray – à peine 1 500 habitants – produit plus de single malt qu’aucun autre point sur la mappemonde, la géante Glenfiddich en crachant à elle seule plus de 21 millions de litres purs à l’année (à titre de comparaison, les ventes de whisky français atteignent péniblement 1 million de litres purs).

Kelsey McKechnie et George Paterson

Glenfiddich, justement. William Grant l’a ouverte à peine 6 ans auparavant, sa première distillerie, quand en 1892 il décide de lui offrir une petite sœur, Balvenie. Il équipe la cadette de 2 alambics achetés d’occasion, l’un provenant de Glen Albyn et l’autre de Lagavulin. 2 pot stills trapus à cols courts ayant à peu près la même forme et, surtout, la même taille. Une particularité qui sera respectée à mesure que la batterie de cuivre s’étoffera pour couler ce whisky unique aux notes de noisette, de céréales, de fruits enrobés de miel de bruyère.

MALTAGE SUR SITE

Pas loin d’un siècle et demi plus tard, Balvenie occupe une place à part dans la convivialité et l’imaginaire du malt. On y travaille « à l’ancienne », avec un soin apporté aux gestes et aux détails qui force l’admiration et fidélise les amateurs. La distillerie a conservé des aires de maltage où l’orge trempée est étalée et retournée jusqu’à germination avant d’être séchée dans le « kiln », un four alimenté au charbon – et une semaine par an depuis 2002, à la tourbe pour les besoins de l’édition limitée The Week of Peat, aux notes fumées de feu de cheminée. La distillerie satisfait ainsi 5 à 10% de ses besoins, achetant le reste aux grandes malteries. À ce jour, un seul et unique embouteillage, The Edge of Burnhead Wood 19 ans, peut s’enorgueillir de la mention 100% malt maison. Mais l’important, c’est de ne pas oublier d’où l’on vient, de perpétuer les traditions du whisky, de garder ce précieux lien à la terre, à la matière, aux anciens qui vous ont précédé.

Pour la même raison, Balvenie figure parmi les rarissimes distilleries écossaises à employer un chaudronnier à temps plein et à posséder sur site sa propre tonnellerie, qu’elle partage avec ses frangines Glenfiddich et Kininvie – cette dernière bâtie en 1990, entre ses 2 aînées. Une vingtaine d’ouvriers remontent et réparent les fûts nécessaires à la maturation du whisky, sous la supervision de Ian McDonald (entré chez William Grant & Sons en 1969) avec des gestes et des outils ayant fort peu varié depuis l’invention du tonneau il y a de cela 21 siècles. Dans ce groupe familial et indépendant, les carrières sont longues, on privilégie les gages suprêmes de la qualité des whiskies : la continuité et la transmission.

UNE HISTOIRE DE TRANSMISSION

Il est l’emblématique maître de chai : David Stewart, immense monsieur du scotch parti à la retraite en 2023 après 60 années de carrière dans la maison de Dufftown, a pris le temps de former sur 7 années l’apprentie qui lui a succédé. Et c’est donc désormais Kelsey McKechnie, 31 ans à peine, qui endosse la responsabilité de concocter les single malts de Balvenie. Cette diplômée en biologie se destinait à l’analyse médicale « avant de découvrir qu’on pouvait s’amuser davantage dans une distillerie », confie-t-elle dans un sourire. Depuis son laboratoire de Glasgow, la jeune femme conçoit ses assemblages en évaluant au quotidien les échantillons que lui envoie George Paterson, colosse barbu qui coordonne les prélèvements des fûts dans l’ombre humide des entrepôts de Dufftown. Le duo a d’ailleurs signé cet automne 2 single casks griffés « A Collection of Curious Casks » dans la gamme Stories, qui fait les délices des collectionneurs avec ses concepts inattendus et ses étuis joliment illustrés.

En cet hiver cependant, c’est dans le classique et le réconfort que les amateurs trouveront leur bonheur puisque Balvenie relance l’une de ses références les plus populaires : le Single Barrel. Ce 12 ans d’âge mûri en anciens fûts de bourbon de premier remplissage avait disparu depuis 3 ans, victime de son succès. Avec ses notes délicates de miel et de vanille mâtinées de céréale, de fruits blancs, de sucs de chêne subtils où jamais le bois ne domine, il est embouteillé sans assemblage, fût par fût. Emblématique du style Balvenie. Inimitable.

Balvenie Single Barrel 12 ans (70 cl, 47%).
Prix : environ 80 €. Distribution : William Grant & Sons.

(*) Les 7 distilleries d’origine sont Mortlach (1823), Glenfiddich (1886), Balvenie (1892), Parkmore (1894), Convalmore (1894), Dufftown (1896) et Glendullan (1897) – Parkmore et Convalmore ayant fermé depuis.

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